29/12/03SGENProfession educationMS
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Article atypique mais instructif, nous publions directement une lettre envoyée à Jean-Luc Villeneuve, secrétaire général du SGEN-CFDT à la suite d'une publication dans la revue "Profession éducation".

Important : En date du 16 janvier 2005, le mouvement "La Paix Maintenant" nous demande un rectificatif : "La Paix Maintenant est un mouvement qui revendique son sionisme, qui n'a jamais coopéré avec le "capjpo", ni dans le cadre du collectif "Trop c'est trop" ni en aucune autre circonstance, et qui s'y est même toujours opposé."


Cher camarade,

La page 8 du numéro 132 de Profession éducation contient un article intitulé " Pour le droit à l'éducation ", et réfère à un texte commun du SGEN, de la FSU et de l'UNSA éducation, concernant la situation en Palestine.

J'ai été quelque peu étonnée que Profession éducation ne nous fournisse pas la déclaration originale, et j'ai donc été la rechercher ; je ne l'ai d'ailleurs trouvée ni sur le site web du SGEN, ni sur celui de l'UNSA ; il était sur le site de la FSU. J'ai recopié ces deux textes ; le texte 1 est le texte commun et le texte 2 est celui de Profession éducation.

Ils constituent l'annexe 1 de cette lettre ; certaines de leurs parties sont mises en couleur : vert pour les parties qui se paraphrasent réciproquement, rouge pour celles dont les différences m'ont paru significatives. Comme il est d'usage, j'ai signalé les fautes évidentes des textes originaux par la mention (sic).

Le texte 1 est parfaitement scandaleux, parce qu'il fait porter l'entière responsabilité du conflit sur Israël, et qu'il ne mentionne pas une seule fois le terrorisme, alors que le texte 2 place ce dernier au premier rang de l'enchaînement des causes.

Le texte 1 comporte une contre-vérité significative que le texte 2 a bien vue : là où le texte 1 parle de " destruction des bâtiments scolaires ", le texte 2 parle de " destruction de bâtiments scolaires " ; en bon français, la première version signifie que tous les bâtiments scolaires ont été détruits, ce qui est évidemment faux ; on ne peut que regretter que Profession éducation n'aille pas jusqu'à nous dire quelle proportion de ces bâtiments scolaires a été détruite.

Alors un bon point pour le Sgen ? Peut-être pas. En effet, le texte 2 mentionne, à peu près dans le même souffle, le " bouclage de la Cisjordanie " et le " mur de la honte ".

Les mots ont un sens. Si le rédacteur de l'article, se faisant sans doute l'expression de la Fédération, souhaite le retrait de l'armée israélienne de Cisjordanie, position dont je partage l'essentiel, il ne peut en même temps critiquer l'érection de la clôture de sécurité ; s'il avait voulu critiquer le tracé de cette clôture, il aurait pu trouver une expression appropriée et par là même, il aurait laissé la discussion ouverte. Mais en utilisant l'expression " mur de la honte ", il participe à une opération de pure propagande.

En effet, l'expression " mur de la honte " est historiquement connotée, puisqu'elle a servi à désigner, le mur construit à Berlin, en 1961, par l'Allemagne de l'Est, pour empêcher la fuite de ses citoyens (sujets ?) vers les vices de l'Ouest capitaliste. De plus, cette expression s'inscrit avec évidence dans le vocabulaire atlantiste et proaméricain.

Accoler l'expression " mur de la honte " à Israël revient à faire appel à l'imagerie de la guerre froide, en jetant la tunique du méchant soviétique sur le méchant actuel, à savoir... Israël, avec, éventuellement en toile de fond, les Etats-Unis.

Il est assez plaisant qu'une propagande issue des milieux altermondialistes ou trotskystes, ou de certains communistes fossiles - certainement éduqués à l'antisionisme de la grande époque stalinienne ou brejnévienne - réutilise une imagerie aussi éculée ; on ne peut que s'exclamer d'admiration devant un pareil talent. Certaines personnes croient reconnaître dans la propagande propalestienienne des techniques directement issues du KGB ; n'étant pas compétente en étude scientifique du KGB et de ses méthodes, je ne peux que dire " chapeau l'artiste ". Un beau tour de prestidigitation ne peut cependant mener à conclure que les lois de la nature ont changé.

Mais quelle est donc cette langue de bois qui nous enjoint d'être pour le droit à l'éducation des enfants palestiniens, sans évoquer, ne serait-ce que d'une seule parole, le contenu de cette éducation ? Il est facile de prouver , que cette éducation confond dans une même exécration le Juif, l'Israélien, le sioniste, qu'elle nie tous liens historiques entre les Juifs et la Terre d'Israël, et qu'en particulier, elle ne reconnaît aucun lieu saint juif entre Jourdain et Méditerranée, suivant en cela les paroles d'Arafat lui-même , et de son administration.
Plaçons-nous maintenant sur le fond du problème ; il y a actuellement en France deux opinions propalestiniennes ;

- L'opinion propalestinienne civilisée est favorable au compromis, rejette le terrorisme et l'antisémitisme, sait qu'il est impossible d'obtenir un droit sans illimité au retour des réfugiés, et est consciente que l'Autorité Palestinienne est dirigée par un tyran corrompu qui a mis plus de 898 millions de dollars dans ses poches personnelles .

- L'opinion propalestinienne barbare veut, sous une forme ou une autre, la fin de l'état d'Israël en tant qu'état juif ; elle peut le dire benoîtement, en parlant d'état binational, solution impossible entre peuples qui la refusent, ou violemment, en voyant, à la manière du Hamas, les Protocoles des Sages de Sion comme la quintessence du sionisme . Le résultat est identique : il est barbare.

L'opinion barbare insiste de façon incessante et nauséeuse sur l'humiliation et la victimisation des Arabes. Cette terminologie devrait finir par faire réfléchir, surtout quand on lit dans la presse française que les Arabes ont été humiliés par l'arrestation de Saddam Hussein. Est-ce qu'il n'est pas plus humiliant de s'identifier à un boucher et un tortionnaire ? à quoi renvoie donc l'antienne de l'humiliation arabe ? Elle évoque cette conception du monde, où les Arabes ne sont jamais pour rien dans ce qui leur arrive ; dans une lecture littérale du Coran, ce sont les Juifs (pervers) et les Chrétiens (associateurs) qui sont voués à l'exécration. à côté, ou en dehors de cette lecture, ce seront le sionisme, les Etats-Unis, la modernité, la corruption des moeurs, les intégristes, la pauvreté (à moins que ce soient les richesses pétrolières), le colonialisme, les tyrans qui oppriment le monde Arabe, l'Histoire, que sais-je encore : pour certains, il y a toujours un démon qui cause du mal aux Arabes.

L'opinion propalestinienne barbare pare du beau nom de résistant les milices qui envoient des assassins se faire sauter devant des objectifs militaires incontestables comme le Dolphinarium de Tel-Aviv (une boîte de nuit), l'Université Hébraïque de Jérusalem - certainement au nom du droit à l'éducation des enfants Palestiniens - ou le café Hillel de Jérusalem, Hillel, le plus pacifique des sages de l'Antiquité Juive.

L'opinion propalestinienne barbare me frappe par son paternalisme et son racisme : elle laisse en effet entendre que les Arabes seraient plus prisonniers que les autres hommes de leurs déterminismes culturels et religieux. Pour cette opinion, qui est également barbare vis-à-vis des Arabes, ces derniers ne sont pas libres : ils sont agis, ils ne peuvent que réagir aux agressions.
Déclarer qu'une personne, et a fortiori, un groupe humain, est coupable par nature, c'est souscrire à un préjugé terrifiant. Le négatif de ce préjugé est de croire qu'il y aurait des hommes innocents ou des groupes humains innocents par nature ; c'est un négatif au sens photographique, c'est-à-dire que c'est exactement la même chose.

L'opinion propalestinienne civilisée souhaite faire des compromis et renoncer à des rêves ; elle est consciente des vices de l'Autorité Palestinienne et de la distance qu'il y a entre celle-ci et un état ; elle sait que M. Arafat est un féodal corrompu, qui tient des discours différents devant la presse occidentale et la presse arabe, et qui a organisé la deuxième Intifada parce qu'il lui était insupportable de recevoir paisiblement ce que lui proposait Barak à Camp David en 2000. N'oublions pas qu'à son retour des Etats-Unis, Arafat avait été reçu avec des acclamations et comparé à Saladin.

L'opinion propalestinienne civilisée sait qu'il n'y a pas de salut dans les fumées du fanatisme. Elle refuse la soumission à tous les tyrans du monde arabe, à tous les Ben Laden prêts à se battre contre Israël jusqu'au dernier Palestinien. Mais elle est faible, et elle a besoin qu'on la soutienne et qu'on la nourrisse de rationalité et de fraternité.

J'ai noté avec intérêt que le rédacteur de l'article de Profession éducation ne mentionnait plus le mouvement " Trop c'est Trop ", et j'ai essayé de comprendre pourquoi. C'est bien simple : ce mouvement, assez informel, a correspondu à une coopération entre le mouvement " La Paix Maintenant ", et l'opinion propalestinienne barbare de la " Coordination des Appels pour une Paix Juste au Proche-Orient " (CAPJPO). Je n'insulte pas le mouvement " La Paix Maintenant " en le disant propalestinien modéré, parce que l'opinion propalestinienne modérée est évidemment aussi proisraélienne modérée. La conjonction entre ces deux types d'approche s'est écroulée, et je fais une brève analyse du phénomène en annexe 2.

Ne serait-il pas sage de réfléchir à un moyen de sortir de ce toujours plus du discours victimaire, et peut-on le faire en restant dans le mensonge et l'illusion ?

Je ne doute pas de la volonté du Sgen de vouloir oeuvrer pour la paix au Proche-Orient, et je me permets de suggérer une démarche quelque peu différente de celle qui est actuellement employée. Tout d'abord, il convient de se souvenir de façon critique des enthousiasmes pacifistes de la gauche, en particulier enseignante, des années trente du 20ème siècle. On sait où cela a conduit. La paix est la volonté de tous ? Je préfère dire clairement que je ne suis pas favorable à une paix qui conduirait directement à la barbarie. J'aimerais que le Sgen soit, lui aussi, clair sur ce point.

Profession éducation peut publier un dossier historique critique sur cette région du globe ; j'ai posé quelques jalons en annexe 3 de cette lettre. S'agit-il de ma part de prétendre qu'Israël a toujours raison et ses adversaires jamais ? Certes non. Que le dossier fasse état des erreurs, des fautes, des crimes et des imperfections des deux côtés, et qu'il rappelle qui pratique la démocratie, et qui ne la pratique pas, et comment la démocratie est pratiquée ; après quoi, le débat deviendra sérieux.

De même que la CFTC a eu raison de soutenir l'indépendance de l'Algérie sans se faire d'illusions sur la barbarie du FLN, de même, cela honorerait le Sgen, aujourd'hui, de sortir des idées reçues et de se remettre à penser de façon autonome ce conflit si douloureux. Alors le droit à l'éducation pour les enfants palestiniens ? Bien sûr que les enfants palestiniens ont le droit à l'éducation ; mais ne serait-il pas sage de la part du Sgen, de mon cher Sgen, de se déprendre de cette attitude de compagnon de route qui n'a pas été historiquement la sienne.
Serait-ce si difficile de rééquilibrer le discours et de parler honnêtement du contexte dans lequel s'inscrit en France, l'opinion propalestinienne?

L'émergence d'un antisémitisme de nouvelle facture est une évidence aveuglante, et on a pris l'habitude de l'excuser, voire de le justifier, par le conflit du Proche-Orient, ou du moins l'information que nous en recevons. Mais il faut savoir que cet antisémitisme est très antérieur à la situation israélo-palestinienne. Celle-ci a seulement permis de lever un tabou, avec l'aide de média passablement complaisants.

Voici une illustration de ce que j'avance : mon fils, âgé bientôt de vingt et un ans, m'a tout récemment avoué qu'à l'école primaire et au collège, il avait été traité de sale yahoud par des enfants originaires du Maghreb, sans doute enfants ou petits-enfants d'immigrés. Pourquoi ne m'en avait-il pas parlé à l'époque ? Parce que ce n'est pas un dénonciateur et qu'il ne voulait pas impliquer les adultes, ni encourir la vengeance des petits.

Il est de la responsabilité du Sgen de ne pas tomber dans le panneau, et d'empêcher ceux qu'il influence d'y tomber. Quand des élèves d'origine maghrébine développent en classe des attitudes antisémites, qui vont jusqu'à perturber l'enseignement de l'Affaire Dreyfus ou de la destruction des Juifs d'Europe, il est temps de se rendre à l'évidence : la maison brûle, et on n'éteindra pas ce feu en jetant dessus l'huile de la position propalestinienne barbare.
Est-ce que ces critiques peuvent être entendues aujourd'hui au Sgen ? C'est dans cet espoir que j'ai rédigé cette longue lettre.

Il est temps, grand temps, de reprendre une approche objective et historiquement lucide des problèmes liés au conflit du Proche-Orient. C'est non seulement un impératif pour aller dans le sens d'un règlement durable du conflit, mais c'est un devoir politique et social, parce que l'introduction d'un bouc émissaire dans le débat public est la marque d'une terrible dégradation du débat et de la réflexion, et par là des moyens d'agir sur la réalité de notre pays.

S'il se confirmait que le Sgen se range du côté des idiots utiles, comme les qualifiait le regretté Vladimir I. Oulianov, dit Lénine, j'en tirerais les conclusions, et je mettrais fin immédiatement à mes trente quatre ans d'adhésion syndicale.

Dans l'espoir de te lire bientôt, et avec mes meilleures salutations syndicales, ainsi que mes voeux pour l'année 2004,


Annexe 1. Le texte intersyndical et le texte de Profession éducation

 

Texte SGEN -- UNSA Éducation - FSU (texte 1)

 

Le droit à l’éducation des enfants palestiniens est aujourd’hui remis en cause par l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza. Pour le défendre, les syndicats d’enseignants français, UNSA Éducation, SGEN-CFDT et FSU on [sic] pris, à la demande du mouvement « Trop c’est Trop ! » l’engagement de mener campagne par affiches, tracts, bulletins etc. ainsi que de multiplier les partenariats et les parrainages. Car, « l’école est source de vie [guillemet fermant manquant]. L’avenir de la société palestinienne repose, pour une grande part, sur elle.

 

Pour le droit à l'éducation des enfants palestiniens

 

Au début de 2003, plus de 120 000 enfants sur un million avaient cessé d'être scolarisés. De ce fait, un grand nombre de jeunes âgés de dix à douze ans sont analphabètes. Traditionnellement attachée à l'enseignement public, la société palestinienne où l'éducation représente pour le moment le seul bien durable est frappée dans ses forces vives : la réserve d'énergie dont ce peuple est porteur est menacée dans son avenir démocratique. Cette dégradation dramatique a bien des causes concrètes : destruction des bâtiments scolaires, fermeture des écoles élémentaires de villages lorsque les familles, victimes des intimidations violentes des colons, se réfugient en ville ; incroyables difficultés des déplacements pour les enseignants et les élèves des établissements scolaires situés au cœur des villes; inquiétude des parents et traumatisme des enfants lorsqu'il faut braver des couvre feux [sic], toujours imprévisibles, souvent meurtriers. Organisations syndicales liées aux forces vives du monde de l'éducation, nous avons décidé à la demande du mouvement « Trop c'est trop », de prendre une initiative forte : trop c'était trop en effet. Notre fonction est de protéger la vie, d'instruire l'enfant et de favoriser « l'épanouissement de sa personnalité », comme l'exige la convention internationale des droits de l'enfant signée par l'Etat d'Israël. Aussi prenons nous l'engagement d'agir pour que, en Cisjordanie et à Gaza, toutes les écoles soient désormais ouvertes et en état de fonctionner. Cela suppose la fin des couvre-feux, l'abandon des laissez-passer humiliants et donc le retrait des troupes israéliennes des Territoire Occupés. Nous prenons l'engagement de mener campagne par affiches, tracts, bulletins, etc., sur la situation réelle du droit à l'éducation dans le futur Etat palestinien pour lequel, comme pour Israël, nous voulons des frontières sûres et reconnues (1).

 

Nous souhaitons favoriser les rencontres entre enseignants et éducateurs français, palestiniens et israéliens. Nous souhaitons multiplier les partenariats et les parrainages. Et nous nous engageons à œuvrer à la reconstruction des écoles détruites par la guerre et l'occupation et à intervenir dans ce sens auprès des autorités françaises et européennes.

 

La solidarité est au cœur des traditions syndicales. En agissant pour le droit à l'éducation des enfants palestiniens, nous entendons prendre en charge plus particulièrement le temps de la scolarité obligatoire (2). La crise qu'elle traverse est signe du recul, de l'effritement peut-être de la culture humaine. La société palestinienne est en voie de désintégration : un de ses signes évidents est la malnutrition des enfants. Inactivité, recours aux petits boulots, déscolarisation rendent les enfants palestiniens plus réceptifs aux discours de quelques groupes extrémistes. L'école est source de vie. L'avenir de la société palestinienne repose, pour une grande part, sur elle. En le disant, nous sommes conscients, ici, de nos responsabilités.

 

(1) Congrès de l'Internationale de l'éducation, juillet 2001.

 

(2) Il existe un Comité français de solidarité avec les universités palestiniennes qui a recueilli quelque 900 signatures.

 

Le collectif « Trop c’est trop ! » est composé notamment d’Etienne BALIBAR, Stéphane HESSEL, Gilles MANCERON, Madeleine REBERIOUX, Abraham SEGAL, Pierre VIDAL-NAQUET

 

Texte de «Profession Éducation» (texte 2)

 

Pour le droit à l’Éducation

 

Le Sgen-CFDT a participé avec la FSU et l’Unsa Éducation à l’élaboration d’un texte pour défendre le droit à l’Éducation pour tous les enfants palestiniens. Ce texte a été transmis aux organisations syndicales palestiniennes et israéliennes avec lesquelles nos organisations entretiennent des relations.

 

Les organisations syndicales, et notamment celles du système éducatif, ne peuvent rester indifférentes à ce qui se passe sur cette portion du territoire des femmes et des hommes au Proche-Orient : encore moins le Sgen-CFDT en temps (sic) qu’organisation affiliée à l’Internationale de l’Éducation.

S’exprimer et dire l’attachement porté à la Déclaration universelle des droits de l’Homme - et de la Femme - et à la Déclaration universelle des droits de l’enfant qui exige « l’épanouissement de [la] personnalité » de l’enfant, ne signifie pas prendre parti dans un conflit qui gangrène notre monde et son espoir de démocratie universelle.

Le droit à l’Éducation est un principe fondamental parce que, sans lui, il n’y a pas de démocratie possible. Des Israéliens et des Palestiniens l’ont très bien compris et œuvrent, ensemble ou séparément, pour le faire progresser dans la tête de leurs concitoyens, comme sur le terrain.

 

Déscolarisation massive

 

Le droit à l’Éducation des enfants palestiniens est aujourd’hui remis en cause par l’occupation et le bouclage de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. La construction du « mur de la honte » ne facilite pas les choses.

Début 2003, plus de 120 000 enfants (sur un million que comptent ces territoires en devenir d’État) avaient cessé d’être scolarisés. Le nombre n’a cessé de croître depuis. Cette dégradation dramatique est la conséquence de plusieurs facteurs découlant les uns des autres : terrorisme d’extrémistes palestiniens, destruction de bâtiments scolaires par l’armée israélienne, incroyables difficultés des déplacements tant pour les enseignants que pour les élèves et les étudiants qui doivent passer par les barrages de contrôle inopinés, laissez-passer humiliants, couvre-feux toujours imprévisibles avec leurs conséquences meurtrières…

Lors du congrès de l’Internationale de l’Éducation, à Jomtien en juillet 2001, le Sgen-CFDT, la Fep-CFDT, l’Unsa Éducation et des syndicats nationaux de la FSU avaient favorisé un rapprochement entre les organisations israélienne et palestinienne, qui avaient abouti à une motion commune réclamant la paix par la coexistence de deux États ayant des frontières sûres et reconnues mutuellement.

Démarche appréciée, comme devait le confirmer quelques mois plus tard le secrétaire général du principal syndicat enseignant d’Israël, invité de Profession  Éducation.

 

Action syndicale en faveur de la paix

 

La solidarité est au cœur des traditions syndicales. En agissant pour le droit à l’Éducation des enfants palestiniens, les organisations françaises entendent revivifier l’École, une École de l’apprentissage du vivre ensemble, du respect mutuel, de la tolérance.

Ne pas agir pour faciliter ce droit fondamental, c’est laisser les extrémistes de tous bords endoctriner et détruire. La paix est volonté de tous. L’École est source de vie.

 

Michel Debon

 


Annexe 2. Rupture entre barbares et civilisés.

 

Le mouvement Trop c’est Trop a un site web :

http://www.cyberhumanisme.org/matiere/action/israelpalestine.html

d’où il ressort que ce mouvement est actuellement inactif ; le site web n’est plus maintenu, et on n'y trouve que des appels obsolètes et des textes datés.

Je n’en mentionnerai qu’un, que je trouve assez caractéristique : le texte « Soutenir Israël ? Pas en notre nom », paru dans Le Monde du 6 Avril 2002. Ce texte donne la vulgate du pauvre Arafat enfermé dans son palais détruit et de la soldatesque israélienne détruisant tout sur son passage. Les signataires (juifs) de cet appel s’inscrivent dans la grande tradition juive de l’accusation prophétique contre le peuple qui se tient mal ; il n’y a qu’à lire le livre de l’Exode ou celui des Nombres dans la Bible, pour constater que depuis Moïse, les Juifs en prennent pour leur grade de la part de leurs propres autorités spirituelles. Mais d’abord, il ne suffit pas de se mettre dans la peau du prophète pour avoir la grandeur du prophète ; et ensuite, le fait que certains Juifs critiquent l’État d’Israël ne rend pas a priori valide la critique. Rien, jamais, ne dispense de réfléchir au-delà des étiquettes et des préjugés.

Tâchons à présent de comprendre les causes de l’effacement du mouvement Trop, c’est Trop, pour autant qu’il ait jamais existé. C’était une coopération entre la CAPJPO et le mouvement La Paix Maintenant, qui a craqué à un moment que je suis incapable de dater exactement.

Chronologiquement, je pense que la rupture était consommée lors de la calamiteuse affaire de la motion du conseil d’administration de Paris 6, en Décembre 2002. Je signale simplement une étude de Maryse Siksou[1], qui rapporte de manière détaillée comment s’est installée l’interpénétration entre militantisme propalestinien barbare et syndicalisme enseignant, entre autres à Paris VI et VII, mais aussi dans d’autres établissements. Je suis bien placée à Lyon 1 pour indiquer que la situation n’y est pas fondamentalement différente.

Une deuxième rupture se marque lors de l’agression de deux adolescents juifs, membres du mouvement sioniste de gauche Hachomer Hatzaïr, le 22 Mars 2003 à Paris, en marge d’une manifestation contre la guerre en Irak. Les agresseurs, sortis du cortège de la CAPJPO, ont tabassé deux jeunes gens qui portaient une kippa. La CAPJPO a commencé par raconter d’intéressants mensonges sur ce qui s’était passé ; manque de veine, un film avait été tourné par l’agence Digipresse. Et le mensonge dégonflé.

La troisième rupture se situe à propos d’une traduction ; Olivia Zemor, responsable de la CAPJPO, fait une traduction d’un article du pacifiste israélien, Uri Avnery. Elle traduit « American jewry » par « juiverie internationale ». Les gens de La Paix Maintenant s’en indignent[2] et signalent de nombreuses autres erreurs de traduction, toutes orientées et haineuses. La traduction sera corrigée[3] en « lobby juif américain », ce qui est à peine mieux, comme toute personne connaissant un minimum d’anglais le sait : « American jewry » désigne simplement, et de façon neutre, l’ensemble des juifs américains.

Cette affaire est intéressante, parce que si le vocabulaire de Drumont et de l’antisémitisme hitlérien vient si facilement à la plume de Mme Zemor, et si elle adoucit son expression en mettant un terme qui reste clairement péjoratif, je n’ose imaginer ce qu’elle considère encore comme inacceptable. En tout état de cause, la CAPJPO est un des organes de l’opinion propalestinienne barbare, et ce serait bien de le dire et de le reconnaître.


Annexe 3. Quelques jalons historiques.

 

Il faut arrêter de confondre rêve et réalité ; les Palestiniens sont certes fort malheureux, mais leurs malheurs ne sont pas entièrement le fait d’Israël ; après tout, en Septembre 1970, feu sa Majesté le roi Hussein de Jordanie a fait tuer en un peu plus d’une semaine environ 3500 Palestiniens, qui avaient le défaut de vouloir lui piquer son trône.

Et, juste pour avoir un peu le sens des échelles, le regretté président syrien Hafez El-Assad a fait assassiner 10 000 à 25 000 frères musulmans dans sa bonne ville de Hama en 1982.

La guerre civile au Liban a fait 144 000 morts - chiffre officiel. Sur ces 144 000 morts, entre 328 (estimation de la Croix Rouge) et 800 (estimation militaire israélienne) ont été massacrés par les milices phalangistes chrétiennes d’Élie Hobeika, dans les camps de Sabra et Chatila en Septembre 1982. C’est l’armée israélienne qui a arrêté les massacres, J’ai fait partie des gens qui ont manifesté à l’époque contre cette horreur, parce que je ne voyais pas bien ce que faisait l’armée israélienne au Liban. Ariel Sharon, jugé en Israël, fut reconnu indirectement responsable de l’affaire, et dut quitter son poste de ministre de la Défense ; quand on relit de nos jours les faits, je dois dire qu’il est bien difficile de savoir ce qu’il en était, et la thèse de son absence de responsabilité dans cette affaire n’est pas absurde. Le chef des assassins qui ont mutilé, décapité et démembré à la hache et au couteau, cet Élie Hobeika dont tout le monde a oublié le nom, est devenu député, et a vécu dans le calme et le confort ; il a été ministre dans plusieurs gouvernements libanais prosyriens de 1991 à 1998 et a été assassiné en 2002 dans l’explosion d’une voiture piégée sans jamais avoir été jugé.

Le martyrologe de la guerre civile au Liban a (mal) retenu les noms des massacres de Damour, de Tal-el-Zaatar, de Ayn-el-Assad, et ainsi de suite. L’absence de Juifs à proximité a dû contribuer à plonger ces atrocités dans l’oubli - a-t-on oublié d’accuser les Juifs de ce qu’on ne se souvient plus de la guerre civile au Liban ? Dans un essai brillant[4], Éric Marty remarque que « […] le processus accusatoire […] a produit un effet cathartique important quoi que fragile : la réconciliation de tous les Libanais dans un mensonge mimétique qui fait d’Israël le seul ennemi, le seul coupable. Un mensonge qui manque sans cesse de se trahir comme tel, puisque, non content de refouler et de forclore la division de la fratrie arabe en groupes mortellement opposés, il repose sur l’asservissement au maître syrien. »

 On se doit aussi de rappeler les dix ans de massacres entre les troupes de notre ami Saddam et notre un peu moins ami Khomeiny, et le million de morts causé par cette petite opération. Un million de morts pour quoi ? Morts pour rien.

 Les états arabes ont, systématiquement, et depuis 1920, fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher le règlement du conflit.

Qui a refusé le partage de la Palestine en 1947 ? Pas les chefs du mouvement sioniste.

Qui a refusé d’établir un état pour les palestiniens entre 1948 et 1967 ? Ne serait-ce pas la Jordanie qui s’est emparée de la Cisjordanie, et l’Egypte qui a absorbé la bande de Gaza ? Il faut rappeler que seuls le Royaume-Uni et le Pakistan avaient reconnu ces annexions, parfaitement illégales du point de vue du droit international.

À part la Jordanie, aucun état arabe n’a naturalisé les réfugiés palestiniens qui vivaient en son sein. Les réfugiés Palestiniens ont été maintenus dans des camps avec la volonté et l’accord des états arabes.

Sur cette planète, les seuls réfugiés qui transmettent leur qualité de réfugié à toute leur descendance sont les réfugiés palestiniens.

Aurait-il fallu que la France maintînt les rapatriés d’Algérie dans des camps et leur attribuât un statut héritable de rapatriés ? N’est-il pas déjà assez honteux qu’elle l’ait en quelque sorte fait pour les harkis, avec toutes les conséquences que cela a causé ?

Huit cent mille Juifs vivaient dans les pays arabes ou musulmans ; ils en ont été chassés dans les années 50 et 60, ont pour la plupart perdu tous leurs biens et se sont installés en Israël. On n’en parlera évidemment pas, parce que cela pourrait prouver que le mythe andalou de la coexistence des trois religions monothéistes est simplement… un mythe, et donc inapplicable.

Les grandes familles palestiniennes, dans les années 1930, étaient devenues les valets des nazis ; même Jean Genet qui était plus que propalestinien, l’écrit. Le grand Mufti de Jérusalem, dont on dit qu’il était l’oncle d’Arafat, s’était réfugié à Berlin pendant la deuxième guerre mondiale, et il fut le grand organisateur de la légion bosno-nazie Handschar, 20 000 musulmans qui ont participé à l’extermination des Juifs de Yougoslavie et des ennemis de nazis.

Je voudrais rappeler la mémoire d’un petit garçon, né en Roumanie, dans le delta du Danube, à Tulcea, en 1877 ; son père était étameur de son métier, et appartenait aussi au mouvement des Amants de Sion, à moins que ce ne fût plutôt au mouvement Bilou (acronyme signifiant « Maison de Jacob, va et nous irons ») ; c’étaient des mouvements religieux qui préconisaient l’installation en terre d’Israël, alors sous la domination Ottomane. En 1882, donc quinze ans avant le premier congrès sioniste, cet enfant fut emmené, avec tous ses frères et sœurs, en Palestine Ottomane par ses parents. La famille s’installa dans la localité de Zikhron Yaakov. Les raisons et les circonstances dans lesquelles cet enfant s’installa en France sont hors sujet, ainsi que sa vie ultérieure. Cet enfant est mon grand-père, ce qui explique pourquoi deux de mes arrière-grands-parents sont enterrés à Zikhron Yaakov. Je veux aussi rappeler un autre enfant, encore vivant : une petit fille née en 1920 à Odessa, qui, avec sa mère, rejoignait en 1924 son père arrivé quelques mois auparavant à Jérusalem, alors sous mandat britannique. Là aussi, cela m’emmènerait trop loin que de raconter la manière dont cette petite fille est arrivée en France, comment ses parents et sa jeune sœur sont repartis en Israël après la création de l’État d’Israël. Cette petite fille est ma mère, et mes grands-parents maternels sont enterrés à Jérusalem.

Ces détails personnels sont là pour illustrer à quel point sont absurdes les théories qui veulent nier la relation entre les Juifs et la terre d’Israël, ainsi que celles qui voient une causalité simple entre la catastrophe de 1939-1945 et la création de l’État d’Israël. Il n’y aurait pas eu d’État s’il n’y avait pas eu auparavant une société qui s’était développée et structurée ; cette société était forte de 600 000 personnes à la veille de la première guerre mondiale, et les propriétés acquises l’avaient été légalement. On peut bien entendu critiquer divers aspects de la propagande sioniste de l’époque ; par exemple, la proposition « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » est un vilain mensonge.

Il reste cependant à écrire une histoire démographique de la Palestine Ottomane puis mandataire ; certains affirment que l’arrivée massive de Juifs a contribué à l’expansion économique et à l’immigration de populations qui n’avaient rien de particulièrement palestinien. Il est facile de mentionner les villages circassiens, formés de gens déplacés par l’Empire Ottoman en contraction ; de même, on peut trouver des villages de bosniaques déplacés par l’Empire Ottoman qui se retirait de ses possessions balkaniques, et ces bosniaques sont blonds et roses comme leurs ancêtres slaves. Cela, c’est pour la période Ottomane. Qu’en est-il pour la période du Mandat ? Quels documents sont disponibles ? Quelles études sérieuses ont été faites ? Je n’en sais malheureusement pas assez long ; il serait cependant raisonnable de faire la part des choses quand on parle d’identité palestinienne.

Dernière observation : la conquête. On apprend que c’est peu après la mort de Mohammed que les armées musulmanes conquirent la région située entre Méditerranée et Jourdain. Mais l’ont-ils pour autant convertie et arabisée immédiatement ? La présence significative, encore de nos jours, de nombreuses communautés chrétiennes au Liban, en Syrie, en Iraq, en Palestine et en Israël indique, une fois de plus, une histoire complexe.

            Une partie mal connue en France de cette histoire a trait à la langue. La langue locale était l’araméen au moment de la conquête musulmane ; son usage n’a vraiment reculé qu’à partir du 14ème siècle, suite à l’invasion de Tamerlan, qui a bouleversé les structures sociales. Même de nos jours, c’est une langue qui est encore parlée dans un contexte familial, liturgique ou intellectuel. C’est la langue de l’église assyro-chaldéenne. Les chrétiens d’Orient ont été victimes au 20ème siècle (et aussi avant) de nombreux massacres ; tout le monde a entendu parler des massacres des Arméniens ; les Assyriens aussi ont été abondamment massacrés[5] ; mais étant nettement moins nombreux que les Arméniens en France, nous n’en savons pas grand chose. Il faut lire des documents en anglais, d’ailleurs facilement accessible sur le web. On sait également que les chrétiens palestiniens ne se sentent pas très bien là-bas ; sur place, ils se doivent d’être plus virulents que les  plus virulents, mais ils font leurs valises parce que la vie de la minorité chrétienne est rendue fort difficile par la majorité musulmane.



[1] Maryse Siksou, maître de conférences à l’Université Paris VI, Sur le Campus de Jussieu de mars 2002 à janvier 2003. La marche au boycott universitaire : réseaux et sémantique des syndicats d’enseignants. Observatoire du Monde Juif, 8/9, Novembre 2003, pp. 21 - 29.

[4] Éric Marty, Jean Genet à Chatila , page 170, in Bref séjour à Jérusalem,  Gallimard, 2003.

29/12/03SGENProfession educationMS
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