10/05/02Claude LanzmannLe Monde----
Retour au sommaire ACMEDIASLes délires de la haine anti-israélienne
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La haine préexiste à ce dont elle prétend se nourrir ou s'originer. En choisissant de voler au secours de Yasser Arafat, torse bombé et moustache batailleuse offerts dans les rues de Ramallah aux caméras de télévision et aux flashes des photographes comme à autant de balles de tueurs sans visage, José Bové entendait signifier que le camp si ostensiblement choisi par lui était celui du Bien absolu, sans discussion possible.

Il n'avait de sa vie jamais mis un pied en Israël - sauf pour y atterrir et se ruer les yeux fermés vers les territoires de l'Autorité, auprès du grand reclus. De l'histoire d'Israël et du sionisme, de la Shoah, du centenaire conflit israélo-arabe, des raisons et concaténations qui conduisirent à la situation actuelle, il ne savait rien, n'en voulait rien savoir. Jamais homme ne coïncida à ce point avec lui-même, ne parut si sûr de son fait et de sa cause, sauf peut-être ce vieil entêté d'abbé Pierre auquel notre nouveau José ressemble par plus d'un trait et d'abord par la notoriété (anti) mondialisée.

A ses côtés, la "brigade" des soi-disant "internationaux", femmes et hommes, membres du Comité civil international de protection du peuple palestinien (CCIPPP), résolus à s'enfermer, pour lui faire un rempart de leur corps, autour d'un Arafat au keffieh éclairé de la pauvre lueur fuligineuse d'une bougie (en Terre sainte, la bougie n'est pas rare), tel un roi mage dans la grotte de Bethléem, scène christique s'il en fut, ce qui n'était pas un hasard.

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Il faut le dire : les faux témoins incendiaires n'ont pas manqué depuis le début de l'opération "Mur de protection". Le 16 avril, Le Monde publiait sur deux pleines pages, avec toute la révérence que ce journal attache à la culture, trois très longs textes d'écrivains et de surcroît membres de l'autoproclamé Parlement international des écrivains, statut censé cacheter leurs propos du sceau du vrai et de l'irréfutable : l'Espagnol Juan Goytisolo, le Sud-Africain Breyten Breytenbach, le Nigérian Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature 1986, tous trois faisant partie d'une délégation dudit Parlement qui, invitée par les Palestiniens et s'érigeant en commission d'enquête supposée impartiale, s'était rendue "dans les territoires occupés et en Israël" entre le 24 et le 29 mars.

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Comme José Bové, Breytenbach n'avait jamais posé un pied ni en Israël ni en Palestine : "Je n'ai vu Israël que rapidement, en arrivant et en partant, après avoir passé une nuit dans l'hôtel Intercontinental David de Tel-Aviv, luxueux mais sombrement désert...", écrit-il sans rire. Désert, et pour cause : les "martyrs" ceinturés d'explosifs découragent les rassemblements de touristes dans les lobbies des palaces.

Après deux nuits et quatre jours, voici donc les conclusions auxquelles est parvenu M. Breytenbach : "L'horreur de ce que vous faites nous submerge", "atrocités", "bain de sang", "massacre d'innocents", "crimes de guerre", "crime contre l'humanité", "terre effrontément volée", rien de plus ici que le b a ba du discours ordinaire de la propagande victimologique.

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Israël, M. Breytenbach, n'a pas de patrons, aucun soldat américain n'a jamais versé son sang à la place d'un soldat israélien. Et combien de pays dans le monde, arabes entre autres, dépendent-ils, autant ou plus qu'Israël, de l'aide américaine ? Maintenant, pourquoi ce mépris des "vendeurs de voitures d'occasion" ? Les Nétanyahou sont une famille d'origine juive allemande, hautement cultivée, qui donna trois fils à Israël : Bibi, le soi-disant "vendeur", ambassadeur d'Israël aux Nations unies et premier ministre, Gabi, médecin à Jérusalem, et Yoni, le héros d'Entebbe, commandant en chef d'une unité d'élite de Tsahal, qui perdit la vie sur l'aéroport de la capitale ougandaise au cours de l'extraordinaire opération de sauvetage de l'appareil d'Air France détourné par les Allemands de la Fraction armée rouge en 1976. J'ai eu entre les mains les lettres de Yoni, pieusement rassemblées par ses deux frères (qui furent eux aussi membres des mêmes commandos de l'état-major) : l'élévation d'esprit le disputait à l'intelligence, à la plus rigoureuse éthique et à une angoisse que M. Breytenbach n'entendra jamais.

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Nulle mention, dans leurs propos, des négociations de Camp David et de Taba, de l'accord que chacun croyait pratiquement réalisé à partir des propositions d'Ehoud Barak (restitution de la totalité des territoires à l'Autorité palestinienne, double souveraineté sur Jérusalem, reconnaissance par Israël d'une dette envers les réfugiés et retour d'un certain nombre d'entre eux, etc.). Cela est un fait auquel l'intoxication et les démentis de la propagande anti-israélienne, relayés sur Internet, depuis la Mouqata'a, par un homme de théâtre français, membre actif du CCIPPP, ne changeront rien : l'Etat palestinien allait être créé, une vaste majorité des citoyens d'Israël y consentait, jamais ce pays ne s'était senti aussi proche de la paix, ne l'avait autant souhaitée

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L'internationalisation du conflit n'a jamais cessé d'être l'objectif des leaders palestiniens. Je me souviens d'Ahmed Choukeiry, le prédécesseur d'Arafat, nous déclarant sans ambages, à Jean-Paul Sartre (qui était un Parlement à lui seul) et à moi, en mars 1967 à Gaza, alors sous contrôle et administration de l'Egyptie, qu'il préférait la guerre générale, voire la guerre mondiale, à toute tentative de règlement avec Israël.

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L'irresponsabilité des écrivains et des intellectuels pour qui l'existence même d'Israël est le péché originel a pour corollaire le refus de prendre en compte la genèse des événements. Pas un mot sur le déclenchement brutal de la deuxième Intifada, dite "Al Aqsa" (et personne, aujourd'hui, n'ajoute sérieusement foi à la fable du réflexe pavlovien déclenché par la présence de "Polyphème" sur l'Esplanade des mosquées), qui visait précisément, par les morts et le sang inévitablement versé, à l'internationalisation que je viens d'évoquer, qui eut pour conséquence immédiate la défaite électorale d'Ehoud Barak et l'avènement de Sharon, tout en changeant radicalement la nature des affrontements et la psychologie des combattants.
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Cette guerre, tel est son paradoxe - et sans doute la faute majeure d'Oslo, qui a laissé pour la fin les problèmes difficiles et cruciaux -, a été d'autant plus âpre que la paix semblait acquise. En mettant en oeuvre la pire stratégie de la terreur victimaire - les bombes humaines, qui se donnent la mort pour perpétrer les plus abominables carnages -, les Palestiniens ont opéré dans l'escalade un véritable saut qualitatif.
Lorsque des "colons" étaient assassinés, il était déjà intolérable de lire dans la presse, relégué en un coin de page : "une femme colon a été tuée" ou pire encore "un bébé colon a été étranglé", comme si la double stigmatisation de juif et de "colon" permettait de comprendre l'assassinat, le justifiait et ne méritait pas qu'on s'y arrêtât.
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Certains, qui n'eurent pas un mot pour dénoncer les attentats-suicides et la perte des vies juives, suppliaient angéliquement Israël de ne pas "perdre son âme". D'autres, avec une intrépidité de néophytes, sautaient le pas en plaidant "pour une citoyenneté palestinienne": on s'apercevait à la lecture que l'auteur, souverainiste de choc en France, ne revendiquait pas moins que l'autodissolution de l'Etat d'Israël dans une entité purement palestinienne, qui consentirait généreusement à tolérer les "bons juifs" et à leur accorder la citoyenneté palestinienne. En revenir, autrement dit, au statut de dhimis, qui était celui des juifs dans les pays arabes, bien avant la création d'Israël !
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10/05/02Claude LanzmannLe Monde----
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